1913
1919-1931
Fernand Deligny, en 1919, obtient le statut de « Pupile de la nation », comme orphelin de guerre. Il a fait ses études en comptant sur la présence de son grand-père maternel, et il était considéré comme un excellent élève. Dans les années 1920, il s’installe à Lille, pratique le scoutisme laïc et termine ses études secondaires en 1931.
1931-1936
Il refuse de poursuivre une carrière militaire, malgré la pression familiale. Il commence des études préparatoires aux concours aux Grandes Écoles, qu’il abandonne pour étudier la Philosophie et la Psychologie à l’Université de Lille – mais passe la plupart de son temps dans les cinémas et les cafés de la ville. Entre 1933 et 1935, il est rédacteur en chef de la revue Lille Université, où il publie chroniques, critiques de films et autres textes. A cette époque, il commence à fréquenter l’Asile d’Armentières (près de Lille). Et, à la suite de manifestations fascistes, il s’inscrit à la Jeunesse communiste et participe à l’organisation des étudiants communistes à l’université. Peu de temps après, il commence son service à l’Ecole militaire de Paris, dans l’infanterie.
1937-1939
Il vit à Paris avec Josette Saleil, rencontrée à Lille. En 1938, le père de François Châtelet (un ami d’enfance de Deligny) lui propose un poste de professeur suppléant à l’école primaire de la rue de la Brèche-aux-Loups, où il reste quatre mois. Il effectuera l’année scolaire dans une autre école, à Nogent-sur-Marne. Ses « méthodes » pédagogiques refusent l’usage des cahiers et prévoient des promenades dans le bois de Vincennes avec les élèves, ainsi que des jeux de mime. En 1939, il accepte un autre poste, cette fois à l’asile d’Armentières (rebaptisé hôpital psychiatrique deux ans plus tôt), l’un des plus importants établissements de santé mentale de France. Épouse Josette Saleil et s’installe à Armentières.
1939-1940
Mobilisé par l’armée dans le régiment d’infanterie de Lille, qui part pour les Pays-Bas. L’année suivante, après l’armistice (avec la défaite française et l’occupation allemande), il est démobilisé et retourne à Armentières (maintenant sous contrôle allemand) et reprend ses activités à l’Instituto Médico Pedagógico/IMP (pour les enfants avec « retard intellectuel » ).
1941-1942
L’asile est bombardé. Deligny devient éducatrice au Pavillon 3, en charge des enfants considérés comme « arriérés et inéducables ». Il y impose l’abolition des peines, organise des ateliers, des jeux et des promenades avec les gardiens (chômeurs, artisans, anciens bagnards). En 1942, il obtient le certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants « arriérés ».
1943
Quitte Armentières et revient à Lille. Le gouvernement de Vichy lui propose la direction de la prévention de la délinquance juvénile dans la région Nord. Création de l’Arsea (association régionale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence), au sein de laquelle il occupe le poste de conseiller technique.
1945
Deligny est nommé directeur du premier Centre d’Observation et de Dépistage (COT) du Nord, à Lille. Il conçoit le centre (qui regroupe 80 adolescents) comme un lieu ouvert, recrute des moniteurs issus du milieu syndical, ouvrier et parmi les chômeurs. De nombreux adolescents fuyant les établissements correctionnels se réfugient en COT.
Graine de Crapulle publication Conseils aux éducateurs que voudraient le cultivar.
1946
Publication de Puissants personnages, dédiée à Catherine, fille de Deligny et Josette, née l’année précédente. En mai, la direction d’Arsea a mis fin aux fonctions de Deligny. Il accepte de diriger une formation d’éducateurs à Montesson (Yvelines), mais démissionne peu après. Il rencontre Hugette Dumoulin, militante communiste et responsable, depuis 1943, du Centre laïc des auberges de jeunesse à Paris. Deligny est nommé directeur régional du travail et de la culture. Il organise des projections de films et rencontre le critique de cinéma André Bazin et le documentariste Chris Marker.
1947
Hugette Dumoulin organise, à Lille, l’Union des jeunes filles de France du Nord. Au printemps, elle et Deligny se produisent à Paris aux Arènes de Lutèce, interprétées par des apprentis de l’industrie textile. Deligny envisage la création d’un réseau de services pour adolescents délinquants, avec l’aide de militants de l’éducation populaire et d’auberges de jeunesse. Premières rencontres de préparation de la Grande Cordée, au Laboratoire de Psychobiologie de l’Enfance, dirigé par Henri Wallon.
Publication de Vagabonds efficaces.
1948
Publication des statuts de la Grande Cordée, association présidée par Henri Wallon. Le conseil d’administration est composé de divers militants communistes. Les premiers adolescents sont confiés à l’institution. Deligny entre au PCF – il adresse sa candidature à Maurice Thorez (secrétaire général du PCF entre 1930 et 1964) avec une copie de Vagabonds efficaces. Il est invité à se présenter comme candidat du parti aux élections municipales, mais il refuse.
1955-1957
Début de correspondance avec Irène Lézine, psychologue, militante PCF et auteur d’une biographie sur Anton Sémionovitch Makarenko. Deligny projette un film sur l’expérience de la Grande Cordée (mais seules quelques séquences sont filmées). Depuis 1948, le réseau a accueilli 134 adolescents, et continuera à fonctionner de manière précaire jusqu’au début des années 60.
1958-1962
Edité par Adrien Lomme. François Truffaut sollicite Deligny pour préparer les dernières scènes du scénario de Coups des Quatre Cents, son premier long métrage, qui recevra le prix du meilleur réalisateur au Festival de Cannes en 1959. Début de la correspondance entre les deux, qui durera jusque dans les années 1970, et plusieurs tentatives de collaboration sur des projets cinématographiques – en 1968, Suzanne Schiffman, scénariste de Truffaut, se rend dans les Cévennes pour filmer Janmari, qui servira de modèle à L’Enfant Sauvage, sorti en 1970. En 1962 il a mis fin à l’expérience de la Grande Cordée.
1967
Le 14 juillet, Deligny quitte La Borde et s’installe à Gourgas, dans une propriété de Félix Guattari transformée en lieu de rencontre d’intellectuels et de militants d’extrême gauche. Deligny écrit des pamphlets contre la guerre du Vietnam.
1969
Début d’une nouvelle tentative avec des enfants autistes. Maud Mannoni, Françoise Dolto et Émile Monnerot (chef de service de psychiatrie à l’hôpital psychiatrique de Marseille) lui confient leurs premiers enfants. Jacques Lin s’installe à Graniers, où demeure Janmari. D’autres enfants vivent à Monoblet. Il s’agit du réseau domestique. Premières lettres et lignes d’erreur. Publication des Cahiers de l’Aire, auxquels Deligny a participé jusqu’en 1972.
1970-1974
Publication de Vagabonds Efficaces et autres récits. Création de l’association Les Neumes, destinée à soutenir l’attentat dans les Cévennes. Une quinzaine d’enfants viennent passer Noël dans le hamac. Fin du montage, financé avec le soutien de Chris Marker, du Moindre Geste. Le film est sélectionné et présenté à la Semaine de la Critique au Fertival de Cannes en 1971 (mais il ne sortira en France qu’en 2004). Jacques Lin installe un nouveau camp au Serret avec plusieurs enfants autistes – le site devient le « laboratoire » du réseau.
1973
En 1973, Jean et Dominique Lin, âgés de dix-huit et dix-sept ans, abandonnent l’école et rejoignent leur frère Jacques. A l’époque, trois enfants vivaient en permanence dans le hamac : Cristophe B., Gilles T. et Janmari. Les demandes de stage se multiplient. Début du tournage de Ce Gamin là, réalisé par Renaud Victor et produit par François Truffaut et d’autres. Pierre-François Moreau visite Deligny – il publiera en 1978 Fernand Deligny et les idéologies de l’enfance, avec une postface de Deligny. Le groupe de rock britannique Pink Floyd fait une donation qui permet l’achat de la maison de Graniers, habitée par Deligny.
1975-1977
Publication de Nous et l’innocent, écrit avec Isaac Joseph, et de trois numéros des Cahiers de l’immuable, par la revue Recherches. Présentation de Ce Gamin là au Festival de Grenoble. Le film est diffusé à Paris dans les salles de cinéma et dans les milieux de l’éducation spécialisée, suivi de plusieurs articles, critiques et articles journalistiques. Une correspondance débute au milieu de l’année 1976 avec Louis Althusser – qui lui rendra visite en 1977. Deligny demande à l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) le matériel nécessaire à l’installation d’un ensemble vidéo.
1980
Publication de Singulière ethnie ; Mai : exposition Cartes et figures de la terre au Centre Pompidou ; Septembre, parution de La septième face Du dé et d’un dossier dans La Quinzaine littéraire sur Deligny ; Novembre : parution d’Enfants et le silence. Montage de séquences enregistrées sur le net par Pierre Deiber, pour le Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadapté de Lyon, sous le titre Le faire et l’Agir – accompagné de la voix off de Deligny, le documentaire servira à la formation des éducateurs.
1983
Rédaction de plusieurs textes, dont A comme Asile et L’Éloge de l’asile (qui paraîtra en 1999); 1983/septembre : publication de Camér (deux autres textes portant ce titre paraîtront en 2001 et 2004).
1984-1989
Deligny est hospitalisé pour un double ulcère à l’estomac. Démobilisation du réseau, mais Deligny, Jacques Lin et Gisèle Durand restent à Graniers avec Cristophe B., Janmari et Gilles T. 1985 : Deligny et Renaud Victor écrivent le scénario d’un long métrage intitulé Toits d’asile, dont l’enregistrement sera interrompu et finalement repris, aboutissant au film de Fernand Deligny. À propos d’un film à faire, réalisé en partenariat avec des chaînes de télévision. 1988 : Deligny commence l’écriture du récit autobiographique L’Enfant de citadelle, qu’il abandonnera en 1993.
1990-1996
Diffusé à la télévision française par Fernand Deligny. À propos d’un film à faire. Les Cahiers du cinéma publient un dossier sur le film. 1994 : Deligny hospitalisé pour fracture de la hanche – il reviendra à Graniers mais sera en grande partie immobilisé. Il décède à Graniers le 18 septembre 1996.
Cette chronologie est un résumé de la « Chronologie » présente dans Fernand Deligny Oeuvres, Édition établie et présentée par Sandra Alvarez Toledo.
Éditions de L’Arachnéen, Paris, 2007, p. 1820-1831.